Communiqué
Reproduire des actions inutiles est plus fréquent chez les garçons
18 décembre 2017
Confrontées à une démonstration pour résoudre un problème, les filles sont plus nombreuses à reproduire uniquement les actions utiles pour atteindre un objectif donné. Les garçons, eux, ont plus tendance à imiter « à la lettre » toutes les étapes de la même démonstration, y compris des actions inutiles par rapport à l’objectif final. Telle est la conclusion d’une étude de l’Université de Neuchâtel (UniNE) visant à tester l’ingéniosité chez les enfants. Elle a donné lieu au premier article scientifique issu d’un travail de Master en sciences cognitives de l’UniNE réalisé par Aurélien Frick. L’article vient d’être publié dans la revue The Royal Society Open Science.
«Nous voulions questionner l’hypothèse selon laquelle l’espèce humaine est particulièrement inventive et ingénieuse», explique Fabrice Clément, professeur au Centre de sciences cognitives de l’UniNE et co-superviseur du master d’Aurélien Frick avec Thibaud Gruber, alors post-doctorant à l’UniNE. L’expérience consistait à sortir d’une bouteille de verre un petit seau en plastique muni d’une anse. A côté de la bouteille, on présente à des groupes d’enfants de différents âges deux cure-pipes, l’un blanc, l’autre noir. La solution consiste à prendre l’un des fils métalliques pour en faire un crochet qui permet ensuite d’attraper le seau par l’anse.
«Le test que nous avons proposé aux enfants est un problème que les corbeaux et les corneilles sont en mesure de réussir», indique le chercheur. Or, rien de tel chez les humains. Ce n’est que vers l’âge de 10 ans que les enfants comprennent comment attraper la récompense au fond du récipient en se servant du fil de fer !
Mais tout change sitôt qu’on montre comment faire. «Il a en effet suffi de montrer comment plier le fil de fer, sans même effectuer l'action de saisir le seau à l’intérieur, pour que quasiment tous les enfants, même les plus jeunes, comprennent comment faire !» Conclusion : les humains ne sont pas vraiment des inventeurs, mais de redoutables imitateurs.
Forts de ce constat, les chercheurs ont alors examiné les réactions au niveau du suivi de la démonstration. Et c’est là qu’apparaissent de nettes différences entre garçons et filles. «Dans une des versions de notre tâche, l'acteur effectuait une action inutile (entourer le récipient avec l’autre cure-pipe) en plus de l'action de plier le fil de fer», explique Fabrice Clément. Les garçons ont alors plus tendance à imiter l’action inutile. Mais pour quelle raison ? «II est possible, avance le chercheur, que les garçons soient plus souvent confrontés à des outils ou des objets dont une bonne partie du fonctionnement leur est incompris et donc "opaque". Dans ce contexte, la stratégie qu'ils sélectionnent serait de copier "à la lettre" et de façon un peu aveugle "ceux qui savent".»
A noter que les résultats ont été similaires en France, dans un contexte moderne et très industrialisé, aussi bien qu’en Serbie, dans une région nettement moins développée, avec très peu d’accès aux ordinateurs. Cette différence entre garçons et filles est donc indépendante du milieu social et culturel des enfants.
Contact :
Prof. Fabrice Clément
Co-directeur du Centre de sciences cognitives
Tél. +41 32 718 19 16
fabrice.clement@unine.ch
En savoir plus :
Référence scientifique :
Evidence for a sex effect during overimitation: boys copy irrelevant modelled actions more than girls across cultures.
Aurélien Frick, Fabrice Clément, Thibaud Gruber, R. Soc. open sci. 2017 4 170367; DOI: 10.1098/rsos.170367. December 2017
http://rsos.royalsocietypublishing.org/content/4/12/170367