Communiqué
Open Source Hardware : quel cadre juridique dans un monde physique ?
01 avril 2020
L'open source s’étend au-delà des logiciels libres et part à la conquête du développement et de la fabrication d’objets physiques (hardware), contribuant même au front de la crise sanitaire du Covid-19. L’Open Source Hardware soulève néanmoins son lot d'interrogations juridiques. Pour permettre à ce domaine de prospérer et d’attirer les investisseurs, des chercheurs en droit de l'innovation de l'Université de Neuchâtel entreprennent d’en renforcer la sécurité juridique dans notre pays. Leur projet* démarre aujourd'hui et a reçu un soutien financier de 210'000 francs du Fonds national suisse (FNS) sur trois ans.
«Le mouvement open source vise à garantir à chacune et à chacun la liberté d'étudier, de créer et fabriquer, de modifier et de diffuser la technologie, de toute manière et sous toutes les formes, y compris commerciales», expliquent Quentin Louis Adler, avocat et chercheur en charge du projet et Daniel Kraus, professeur en droit de l'innovation à l'Université de Neuchâtel. Cette philosophie est largement répandue dans le monde des logiciels libres, comme Wikipedia, le système d'exploitation Linux (dont fait partie Android) ou le navigateur internet Firefox.
Toutefois, les modèles contributifs de développement et de partage de programmes informatiques sont dématérialisés par essence. Le projet des chercheurs de la Chaire de droit de l'innovation vise à clarifier et à améliorer le cadre juridique de tels modèles dans le monde matériel, notamment en relation avec la fabrication de machines ou de pièces physiques (le «matériel» ou «hardware», par opposition au «logiciel» ou «software»).
En Suisse, on enregistre plusieurs succès de l'Open Source Hardware (OSH), notamment en robotique. On peut citer le RocketLogger, un dispositif portable pour récolter et traiter des données pour lequel l'EPFZ a lancé un appel public à contributions techniques. A l’EPFL se tiennent régulièrement des «Open Hardware Workshops» sur des instruments de recherche en bio- et nanotechnologie.
En Europe, l’OSH est même en ce moment au front de la crise sanitaire du Covid-19 : ses modèles de co-développement et d’industrialisation décentralisée soutiennent directement la recherche et la production des appareils médicaux en pénurie sur le terrain.
Avec la généralisation des imprimantes 3D et les Fablab où elles sont disponibles au grand public, certaines activités industrielles sont en train de vivre une véritable révolution. On peut ainsi par exemple télécharger des plans de fabrication d'un objet existant et les adapter pour confectionner de nouvelles pièces via une imprimante 3D. Le champ des possibles est vaste : des pièces de montres de l’horlogerie aux produits pharmaceutiques en passant par les objets du quotidien ou les composants électroniques.
Mais quels nouveaux risques recèle cette industrialisation naissante «à domicile» sous l’angle national de la responsabilité légale ? Comment concilier cette approche avec le droit des brevets d’invention et des designs techniques ? Comment réguler optimalement cette soudaine mise en liberté des forces de la technique ? Telles sont quelques-unes des interrogations qu'entendent aborder les auteurs du projet. Ils pourront s'appuyer sur le CERN qui a manifesté son intérêt, ayant édicté ses propres licences libres pour le hardware (CERN OHL).
«Rendre chacune et chacun maître de la technologie a de multiples vertus, comme la pédagogie scientifique, la propulsion entrepreneuriale ou la fin de l’obsolescence programmée», explique Quentin Louis Adler. Une ambition pour lui : établir des conditions générales de contribution pour les communautés de l’OSH. «Si l’on veut populariser ces modèles contributifs d’innovation et de fabrication, il nous faut un socle juridique simple, exécutable, prévisible, conforme à la pratique et à la philosophie de l’Open Source Hardware et facilement transposable.» En effet, le monde physique a des spécificités et des contraintes que ne connaît pas l’espace numérique.
Les résultats de ces travaux devraient, selon leurs auteurs, profiter «aux inventeurs, aux institutions de recherche et de formation techniques, au secteur industriel et à l’émancipation de chacun.e qui souhaite user de sa liberté.»
*Open source hardware: analyse juridique des licences et des modèles de contribution sous l'angle du droit suisse
Contact :
Quentin Louis Adler, doctorant en droit de l'innovation
quentin.louis@adler-pro.ch
Prof. Daniel Kraus
Chaire de droit de l'innovation
Tél. +41 32 718 12 52
daniel.kraus@unine.ch