Communiqué
Chimpanzés: copier la mère, même pour les jeux
18 janvier 2018
Chez les petits des chimpanzés, apprendre à maîtriser des outils passe par le jeu. Mais à mesure qu’ils grandissent, les jeunes montrent une nette préférence pour s’amuser avec des objets similaires à ceux qu’emploie leur mère comme outils. La maman est donc un modèle non seulement pour la maîtrise d’outils, mais aussi lors d’activités purement ludiques. C’est ce qu’a découvert Noémie Lamon, une éthologue de l’Université de Neuchâtel qui a étudié des années durant les comportements d‘une communauté de chimpanzés sauvages en Ouganda. Ce résultat est publié dans la revue scientifique Animal Behaviour.
Les chimpanzés ont une tendance naturelle à manipuler les objets de leur environnement. Ces comportements les aident dans leur développement psychomoteur. Ils leur permettent plus tard de manipuler adéquatement des outils. Le jeu est donc le précurseur de l’utilisation d’outils. Mais qu’est-ce qui influence le choix des objets manipulés par les jeunes?
«Pour répondre à cette question, nous avons suivi 37 chimpanzés, de la communauté de Sonso en Ouganda, âgés de 5 mois à plus de 50 ans, explique Noémie Lamon qui a réalisé une thèse de doctorat au Laboratoire de cognition comparée de l’Université de Neuchâtel. Nous avons noté toutes les manipulations d’objets, comprenant le jeu mais aussi l’utilisation d’outils.» Ces chimpanzés sont particulièrement intéressants, car ils n’utilisent qu’un petit répertoire d’outils : des feuilles ou des branches qu’on secoue, entre autres.
Les objets retenus par les petits pour jouer en premier lieu sont la végétation ligneuse, comme des branches et des feuilles. Les chimpanzés mâles de ce groupe se servent des branches pour, par exemple, intimider d’autres mâles et tous les membres du groupe construisent leur nid à l’aide de branches. Les feuilles, quant à elles, sont utilisées comme support pour écraser les parasites trouvés lors de séances d’épouillage. Les mâles, eux, les déchirent. Ce son a comme effet d’attirer vers eux l’attention des femelles en ovulation. Les feuilles sont aussi utilisées pour essuyer des souillures d’excrément, de sperme, de sang ou de boue.
Mais surtout, dans ce groupe de chimpanzés, on ne se sert pas de bâtons pour chercher de la nourriture, un comportement présent chez presque tous les groupes de chimpanzés en Afrique. Ainsi, même si dans leur tendre enfance les jeunes de la communauté Sonso jouent avec des bâtons qui pourraient se révéler fort utiles comme outils, ils les abandonnent dès l’âge de dix ans, date du passage à l’âge adulte, parce que leur mère ne s’en sert pas.
A l’inverse, plus la mère utilise un certain type d’outils, plus son jeune est susceptible de jouer avec ce même genre d’objet. «Si le fait que la mère sert de modèle à ses petits semble assez logique, ce qui est intéressant, c’est qu’elle soit le seul modèle, souligne Noémie Lamon. Les petits ne seraient donc pas influencés par ce que font les autres membres du groupe, qui passent pourtant aussi beaucoup de temps à proximité.»
Ce résultat montre que même au niveau du jeu, seuls les comportements de la mère comptent. Dans une étude précédente, Noémie Lamon avait mis en évidence que l’acquisition d’un nouvel outil (une éponge à base de mousse végétale) passait par l’imitation de la mère. Cette nouvelle étude indique que l’influence de la mère survient bien plus tôt, déjà au niveau du jeu.
Contact :
Dr Noémie Lamon
Laboratoire de cognition comparée
noemie.lamon@gmail.com
Prof. Klaus Zuberbühler
Directeur du Laboratoire de cognition comparée
Tél. +41 32 718 31 05
klaus.zuberbuehler@unine.ch
En savoir plus :
Référence scientifique : Noemie Lamon, Christof Neumann, Klaus Zuberbühler (2017), Development of object manipulation in wild chimpanzees, Animal Behaviour.
http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0003347217303652?via%3Dihub