Communiqué
maïs : un appel odorant retrouvé
Neuchâtel, le 4 août 2009. Un processus naturel de défense qui n'existait plus dans certaines variétés de maïs a pu être restauré par génie génétique. Il s'agit de la faculté de la plante à envoyer un signal de détresse odorant qui attire des ennemis d'un ravageur de racines. Fruit d'une collaboration de longue date entre l'Université de Neuchâtel et l'Institut Max Planck (MPI) pour l'écologie chimique à Iéna (Allemagne), cette étude menée dans cadre du Pôle de recherche national (NCCR) Survie des plantes concilie pour la première fois avec élégance biotechnologie et contrôle biologique des cultures. Elle est publiée en ligne dans la prestigieuse revue américaine PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences).
« C'est la première fois qu'on parvient à manipuler l'émission de substances volatiles dans le but d'améliorer la protection des cultures », se réjouit Ivan Hiltpold, un des principaux co-auteurs de l'étude. En effet, lorsqu'elles sont attaquées par des insectes herbivores, les plantes émettent des signaux odorants pour attirer les ennemis des organismes indésirables. « L'utilisation de défense indirecte constitue une stratégie attractive pour améliorer la résistante de la plante aux herbivores et réduire le recours à des pesticides chimiques » souligne Jörg Degenhardt, deuxième co-auteur principal du travail, en Allemagne. A l'Université de Neuchâtel, le groupe de Ted Turlings, dont fait partie Ivan Hiltpold, est connu avec l'équipe de Jena pour avoir identifié chez le maïs la molécule responsable de l'appel à l'aide: (E)-β-caryophyllène (EβC). Cette substance volatile est produite non seulement en cas d'attaque au niveau des feuilles, mais aussi sous la terre où la plante est victime de la chrysomèle des racines du maïs Diabrotica virgifera virgifera. Sa larve est responsable d'énormes pertes financières en Amérique du Nord. Le signal odorant attire des nématodes - de minuscules vers - qui vont tuer les larves ravageuses.
Or, ce même groupe de chercheurs avait mis en évidence que des variétés américaines de maïs n'étaient plus capables de produire la substance protectrice perdue au terme d'un processus de sélection traditionnelle. Dans l'équipe de Jonathan Gershenzon de l'Institut Max Planck, Jörg Degenhardt et Tobias Koellner, avec l'aide de Monika Frey à l'Université technique de Munich, ont pu rétablir cette propriété en insérant dans une de ces variétés un gène d'origan qui contrôle l'émission de la molécule manquante. L'efficacité de la manipulation a été établie par Ivan Hiltpold lors d'une expérience en champ dans le Missouri (USA). Elle constitue le thème central d'une thèse de doctorat qu'il a soutenue à l'Université de Neuchâtel.
« Notre étude montre qu'on peut renforcer un signal naturel pour augmenter l'efficacité de la lutte biologique contre un ravageur. La démarche a ceci de remarquable qu'elle illustre la compatibilité entre génie génétique et contrôle biologique des cultures », précise Ted Turlings.
Dans des parcelles de maïs ayant recouvré la capacité de produire de l'EβC, Ivan Hiltpold a relevé une diminution de 60% d'émergence de Diabrotica adultes par rapport aux secteurs où poussaient des variétés non-modifiées. Cette performance est comparable à celle des pesticides synthétiques communément utilisés contre Diabrotica. Des travaux complémentaires menés en laboratoire ont par ailleurs confirmé que les plantes transformées attiraient bel et bien davantage de nématodes.
Cette étude ouvre de belles perspectives de lutte contre la chrysomèle des racines du maïs, qui a commencé à se répandre en Europe depuis le début des années 1990. Dans des travaux futurs, les scientifiques vont chercher les meilleurs moyens d'applications des nématodes et de leurs réponses à l'EβC. Les propriétés de diffusion du caryophyllene en font un signal souterrain susceptible de servir à d'autres cultures de plantes. Une demande de brevet pour cette approche a été déposée.
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