Communiqué de presse
Analogie surprenante entre le métabolisme des plantes et une épilepsie mortelle
Neuchâtel, le 24 avril 2006. Des scientifiques du Pôle de recherche national (PRN) Survie des plantes ont participé à la découverte d'une similarité génétique inattendue entre le métabolisme de l'amidon chez les végétaux et une forme mortelle d'épilepsie, la maladie de Lafora. Fruit d'une collaboration internationale, ce travail est publié dans la revue Journal of Biological Chemistry.
Samuel C. Zeeman, professeur assistant à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (ETHZ), et ses collègues étudient les gènes impliqués dans le métabolisme de l'amidon chez les plantes. Grâce à une collaboration internationale comprenant le John Innes Center à Norwich (UK), l'Academia Sinica à Taïwan, ainsi que les universités de Berne (CH), Durham (UK), Edimbourg (UK) et Western Australia, ils ont réussi à identifier une mutation génétique chez Arabidopsis thaliana entraînant une accumulation anormale d'amidon.
L'amidon est la principale forme de stockage d'hydrates de carbone chez les plantes. Il est synthétisé pendant la journée grâce à la photosynthèse et s'accumule dans les feuilles. Au cours de la nuit, l'amidon emmagasiné est converti en sucrose, un sucre directement assimilable par les plantes. L'équipe du PRN Survie des plantes et leurs collègues ont découvert qu'une mutation dans un nouveau gène empêche la synthèse de la protéine SEX4 (pour "starch-excess 4" en anglais) et se traduit par une accumulation anormale d'amidon. La protéine SEX4 est indispensable pour contrôler la transformation de l'amidon en sucrose.
Les chercheurs ont alors constaté que la structure des protéines SEX4 est très proche de la laforine, impliquée dans la maladie de Lafora. En effet, une mutation affectant la fonctionnalité de cette protéine chez les humains et les souris entraîne une mort prématurée des neurones, avec pour conséquence l'apparition de spasmes musculaires brutaux et involontaires, caractéristiques de l'épilepsie.
La maladie de Lafora est une affection héréditaire rare qui fait partie des épilepsies myocloniques progressives. Les premiers symptômes se manifestent vers l'âge de quinze ans, caractérisés par une dégénérescence lente du système nerveux, suivie d'une détérioration des fonctions cérébrales. Le malade finit par perdre son autonomie, incapable de se mouvoir, de parler, et de s'alimenter seul. La mort survient une vingtaine d'années après l'apparition des premiers symptômes.
Le lien inattendu avec la biologie végétale tient à l'origine de la maladie: une mutation génétique provoquant une accumulation anormale de glycogène dans les tissus. En temps normal, le glycogène sert de réservoir à glucose (sucres) chez les animaux. Des protéines spécifiques, comme la laforine, contrôlent la formation et la dégradation du glycogène. Des défauts génétiques empêchant la synthèse correcte de ces protéines sont à l'origine de la maladie de Lafora.
"La similarité entre le contrôle du métabolisme de l'amidon et du glycogène est surprenante, commente Samuel C. Zeeman. Cela est d'autant plus étonnant que les métabolismes du glycogène chez les animaux et de l'amidon chez les plantes présentent des différences significatives." Même s'il est peu probable que des études sur les plantes débouchent directement sur des solutions thérapeutiques pour la maladie de Lafora, il n'en demeure pas moins que l'existence de gènes analogues, dans le règne végétal, à ceux contrôlant la laforine chez les humains permettra de mieux cerner le mécanisme des épilepsies progressives.
Article original:
Similar protein phosphatases control starch metabolism in plants and glycogen metabolism in mammals.
Niittyla T, Comparot-Moss S, Lue WL, Messerli G, Trevisan M, Seymour MD, Gatehouse JA, Villadsen D, Smith SM, Chen J, Zeeman SC, Smith AM. J Biol Chem. 2006 Mar 2
Texte intégral disponible sous:
http://www.jbc.org/cgi/reprint/M600519200v1