Communiqué de presse
Sus à la pourriture grise!
Neuchâtel, le 28 novembre 2005. Le champignon de la pourriture grise fait des ravages dans les récoltes de fruits et légumes. Une équipe du Pôle de recherche national (PRN) Survie des plantes cultive des bactéries capables de réduire considérablement l'impact de la maladie. Ces travaux ouvrent des perspectives encourageantes de contrôle biologique, notamment dans la protection de la vigne.
C'est une maladie connue pour dévaster les fruits et légumes en phase de stockage. Tomates, concombres, pommes, poires ou fraises: rien ne semble échapper à l'appétit de Botrytis cinerea, un champignon microscopique qui provoque la nécrose de l'organisme attaqué. On estime que 20 à 25% des récoltes de fraises en Espagne sont perdues à cause de Botrytis. Pour la vigne en France, on évalue les pertes entre 15 et 40% selon les conditions climatiques. Mais des chercheurs de l'Université de Fribourg, sous la direction du professeur Jean-Pierre Métraux, ont découvert un moyen naturel pour freiner la progression du fléau. Ils ont présenté leurs résultats le mois dernier au premier Botrytis cinerea Genome Workshop à Kaiserslautern (Allemagne).
Henk-jan Schoonbeek et ses collègues ont identifié des bactéries qui neutralisent l'acide oxalique, une substance sécrétée par le champignon ravageur. Un peu comme si le champignon "dissolvait" à l'acide les parois des cellules végétales pour mieux infecter son hôte. L'acide oxalique peut en outre interférer avec les signaux chimiques de défense de la plante.
Il existe pourtant dans la nature une parade à ce pathogène. Il s'agit de bactéries du genre Cupriavidus qui vivent autour des racines de plantes, et que l'on trouve entre autres dans les champs de colza. Ces micro-organismes ont été sélectionnés parce qu'ils se nourrissent d'oxalate de calcium, un composé dérivé de l'acide oxalique. Grâce à ces bactéries qu'ils ont appris à cultiver en laboratoire, les chercheurs de Fribourg ont réussi à diminuer de 30 à 70% la quantité de nécroses sur les feuilles de plantes aussi différentes que l'arabette des dames (Arabidopsis thaliana), le concombre, la tomate et la vigne.
La méthode d'application du remède est simple, puisqu'on pulvérise une solution contenant les bactéries bénéfiques sur les feuilles. Le procédé est entièrement naturel, ce qui laisse entrevoir d'encourageantes perspectives. "La pourriture grise est un problème économique réel pour les agriculteurs, commente Jean-Pierre Métraux. Le traitement contre Botrytis nécessite l'emploi de fongicides bien spécifiques, des produits chers, potentiellement néfastes pour l'environnement. Le recours à des bactéries offre une solution élégante et répond d'ailleurs aux exigences de l'Office fédéral de l'agriculture qui demande aux paysans de diminuer l'usage des pesticides."
Mais l'éventuel remède n'est pas pour demain. Sa mise au point dépend des progrès de cette recherche, dont la question fondamentale est de comprendre les mécanismes d'infection du champignon, ainsi que la stratégie de défense employée par la plante. Dans l'immédiat, l'objectif des chercheurs du PRN Survie des plantes est de transposer ces résultats obtenus in vitro à la vigne, pour pouvoir plus efficacement protéger cette culture contre les ravages de Botrytis cinerea.
Contact:
Université de Fribourg
Plant Biology Unit
Dr Henk-jan Schoonbeek
Tel. +41 26 300 88 45
henk-jan.schoonbeek@unifr.ch
Prof. Jean-Pierre Métraux
Tel. +41 26 300 88 11
jean-pierre.metraux@unifr.ch