Communiqué de presse
Sommes-nous en train de retourner au Crétacé ?
Neuchâtel, le 25 août 2005. Jürgen Remane se serait certainement réjoui que Neuchâtel ac-cueille, du 5 au 9 septembre, le 7ème Symposium international sur le Crétacé. Ce professeur de géologie à l'Université de Neuchâtel comptait comme l'un des meilleurs connaisseurs au monde des fossiles crétacés. Sa disparition, survenue à la fin de l'année 2004, a non seule-ment laissé un grand vide dans sa spécialité, mais aussi parmi ses collègues, qui appréciaient cet homme jovial et généreux. Aussi, lui dédient-ils cette manifestation qui réunit tous les qua-tre ans entre 150 et 200 scientifiques investis dans l'étude de cette période géologique. Après une dernière édition à Vienne, c'est Neuchâtel qui jouera cette fois la ville hôte.
Les géologues travaillent sur une très large période de temps, puisqu'ils considèrent la durée écoulée depuis la formation de la terre jusqu'à maintenant. Pour s'y retrouver, ils ont créé une échelle qui divise le temps en périodes. Ces périodes peuvent se concevoir de manière abstraite, en imaginant le temps passé, mais on peut aussi les « voir » concrètement en observant les roches sé-dimentaires. En nord d'Europe, les roches formées pendant le Crétacé sont très riches en craie, creta en latin, qui a d'ailleurs donné son nom au Crétacé. C'est une période très longue, puisqu'elle com-mence il y a 135 millions d'années et finit il y a 65 millions d'années. Les géologues l'ont donc frac-tionnée en sous-divisions. L'une d'elle s'appelle le Néocomien, qui n'est autre que la traduction latine de Neuchâtel. Si les géologues du monde entier parlent de Néocomien, c'est que Jules Thurmann, géologue neuchâtelois, a décrit en 1836 les roches typiques qui caractérisent cette division. Ces ro-ches, qui servent toujours de référence, affleurent juste à Neuchâtel. Leur valeur est à la fois scientifi-que et historique. Après Thurmann, d'autres géologues se sont appliqués à décrire les périodes de temps inscrites dans les roches de la région. C'est ainsi que l'échelle de temps géologiques en vi-gueur dans l'ensemble du monde scientifique comprend deux sous-divisions appartenant au Crétacé et qui s'appellent Hauterivien (la fameuse pierre jaune de Neuchâtel) et Valanginien.
Des similitudes entre le Crétacé et aujourd'hui
Paradoxalement, ce sont des spécialistes tout à fait vivants qui vont discuter de choses qui se sont déroulées il y a quelque 100 millions d'années... Et qui pourraient se reproduire dans un futur pas si lointain, toutes proportions gardées. Le Crétacé présente en effet un air de famille avec le monde que nous connaissons actuellement. C'est une période caractérisée par des températures relativement élevées, qui rendaient possible la colonisation des régions polaires par une végétation tempérée. Les pôles n'étaient d'ailleurs coiffés d'aucune calotte glaciaire. Nous n'en sommes pas là aujourd'hui, mais il est clair que nous observons une fonte des accumulations de glace sur notre planète. La calotte arc-tique est spécialement en danger. Des discussions ont même déjà cours au sujet des nouvelles voies maritimes que son dégel ouvrirait. L'idée du symposium est de voir dans quelle mesure une applica-tion tirée de l'histoire du Crétacé peut s'envisager pour le futur.
Il existe d'autres similitudes entre le Crétacé et notre époque, à l'image du taux de gaz carbonique par exemple. Il était très élevé au Crétacé, ce qui tend à se reproduire aujourd'hui. Observer comment la biosphère a réagi à ces changements et « comment elle s'en est sortie » peut se révéler fort instructif. Près du quart des hydrocarbures que nous utilisons aujourd'hui ont été produits pendant le Crétacé. Les algues qui prospéraient alors dans les eaux de la surface ont crée un manque d'oxygène dans l'eau profonde, par la décomposition partielle de leur matière organique. Or, c'est justement lorsque l'oxygène vient à manquer que les conditions nécessaires à la formation des hydrocarbures se créent. Aujourd'hui, nous observons une situation similaire dans le Pacifique. Le réchauffement conduit indi-rectement à la prolifération d'organismes qui sont à l'origine d'une diminution de l'oxygène dans les eaux intermédiaires du Pacifique.
Une touche féminine
A noter que pendant le symposium de Neuchâtel, chaque session sera lancée par une femme qui présentera les résultats de son travail scientifique. Les organisateurs ont décidé de placer une femme à chacun de ces postes-clés, soulignant ainsi la place des femmes dans le monde de la géologie.
Renseignements : Institut de géologie, Karl Föllmi et Thierry Adatte, 032 718 2600