Communiqué de presse
Le passé revisité par une jeune auteure
Neuchâtel, le 12 avril 2005. Avant de partir en tournée dans toute la Suisse romande, la dernière création du Groupe de théâtre antique de l'Université de Neuchâtel, La Samienne de Ménandre (3e s. av. J.-C.) - dont les parties manquantes ont été comblées par une jeune auteure contemporaine - sera présentée à Neuchâtel dans le cadre d'une "Semaine Antique", du 20 au 24 avril, qui célèbre les 15 ans du GTA.
« Il doit être possible de présenter aujourd'hui sous une autre forme que celle d'une statue manchote un âge qui ne riait, ne chantait, ne suait et ne pleurait pas moins que le nôtre », tel est le credo du Groupe de théâtre antique (GTA) de l'Université de Neuchâtel depuis 15 ans ! Son moyen d'action est le théâtre, car sur scène tout texte prend un corps et trouve une voix. Mais le GTA veut faire entendre une parole revivifiée, qui puisse se frayer un chemin jusqu'à l'oreille du spectateur, même s'il n'est pas bercé de culture antique. C'est pourquoi le GTA se consacre pour moitié à la traduction des textes qu'il présente par la suite. La langue doit en être moderne et faite pour la scène. Et le spectacle naît de ce premier corps à corps avec le texte original.
La troupe elle-même est formée d'acteurs amateurs, étudiants de diverses facultés de l'Université de Neuchâtel, qu'encadrent un metteur en scène et des techniciens professionnels. Sans être tous initiés à l'Antiquité, ils ont trouvé dans la démarche du GTA une manière de pratiquer leur passion dans une perspective originale.
Le GTA est allé chercher une pièce de Ménandre: un poète que l'Antiquité a vénéré entre tous, né à Athènes en 342 avant J.-C., mort dans cette même ville en 292, et auteur de plus de 100 pièces. On recueillait autrefois ses sentences les plus évocatrices pour en faire des florilèges. Etape obligée entre Aristophane et les auteurs comiques latins, Ménandre fonde surtout le modèle de la comédie de moeurs qui a dans sa descendance toutes les oeuvres de Molière, Goldoni ou Feydeau.
Recréation contemporaine
Mais il fallait un projet original. Aller contre l'histoire : ne pas jouer la seule pièce entière qui nous est parvenue de lui (Le Dyskolos) mais tenter le pari de remettre sur pied La Samienne, une pièce fragmentaire. La philologie, l'imagination et le jeu y pourvoiront: à une traduction flambant neuve, Odile Cornuz, jeune auteure du canton (Mues à vau-l'eau, Saturnale), a joint sa plume pour ressusciter des choeurs disparus. Quant aux passages mutilés, ils seront joués tels quels, mimés, grommelés ou recréés, à un rythme de Commedia dell'Arte orchestré par le metteur en scène Guy Delafontaine. Il s'agit d'une nouvelle traduction que l'on doit au GTA: la pièce n'a vraisemblablement jamais été jouée en français.
Le résultat est explosif : La Samienne - farce extraordinaire, pleine de quiproquos et de subtilités - fera rire aux éclats petits et grands. Les personnages sont délirants; stigmatisés comme autrefois par leurs masques, tous prétendent à ce que nous pourrions être. Mais ils n'en remuent pas moins des thèmes sensibles : place de la femme dans la société, statut des enfants adoptés, rapport entre riches et pauvres, destinée des jeunes femmes que l'on marie sans leur accord... Tous ces éléments font certes le piment de la comédie de Ménandre et génèrent des scènes rocambolesques, mais laissent parfois songeurs quant à certains traits, voire travers sociaux de la civilisation occidentale.
Pour cette raison, le GTA a tenu tout particulièrement à faire entendre la voix des femmes dans cette affaire. Posant, après les trois poètes tragiques, les bases du théâtre occidental, Ménandre avait confirmé qu'il serait une affaire de mâles. Des luttes de pouvoir, au dessus desquelles planent des fantômes de femmes éthérées ou tragiques. Il fallait revisiter la tradition. C'est pourquoi les femmes apparaissent dans l'intervalle des choeurs, investissent l'espace de leurs corps et de leurs voix. Elles chantent les textes d'Odile Cornuz, sur une musique originale de Steve Muriset, et ne pâlissent pas devant ces hommes burlesques, obtus, colériques. Il faut entendre le concert qui s'en dégage : un chant fait de rires et de pleurs qui par delà 2300 ans - miracle de la "Grèce éternelle" - nous semble à tous aussi étrange que familier.
Retrouvez « La Samienne » de Ménandre à Neuchâtel du 20 au 24 avril (Théâtre du Pommier), puis en tournée à Fribourg (27 avril), à Porrentruy (11 mai),
à Genève (17 et 18 mai) et à Lausanne (25 mai).
Renseignements: Matteo Capponi, tél.: +41 (0)32 718 18 31,
e-mail: matteo.capponi@unine.ch