La vie après UniNE
« Il faut avoir un regard critique sur ce qu’on fait »
Katia Iglesias, statisticienne à Lausanne
Katia Iglesias a obtenu une licence* en psychologie du travail (2002) et un master en statistique à l’Université de Neuchâtel (2004), puis un doctorat en psychologie à Genève. Elle travaille actuellement à Lausanne, comme statisticienne au CHUV, Centre hospitalier universitaire vaudois.
Dans quel secteur du CHUV travaillez-vous, et en quoi consiste votre travail ?
Je travaille à la Consultation méthodologique et statistique du Centre d’Epidémiologie clinique et au Centre de Recherche clinique. Deux unités qui donnent des conseils principalement pour créer des protocoles. Pratiquement, on aide les chercheurs à écrire un protocole, à vérifier s’ils ont pensé à prendre en compte toutes les variables du domaine, s’il n’y pas d’effets confondus possibles etc. Puis on les soutient dans la rédaction du « Statistics Analysis Plan » - quelles analyses vont être effectuées, à quel moment, avec quelle taille d’échantillon.
Parfois, certains ont déjà mis en place une recherche et arrivent simplement avec des données qu’on doit analyser pour répondre à leur question de recherche. Nous utilisons des logiciels statistiques pour analyser ces données de la façon la plus adéquate possible. En fait, dans une recherche, on part de concepts théoriques. Et ces concepts, il faut les opérationnaliser. Et ce sont ces éléments opérationnalisés qui sont ensuite mesurés pour que je puisse pratiquer mes analyses.
Vous visiez le domaine médical ou vous y avez abouti par hasard ?
Par hasard. Au départ, je suis psychologue du travail. Pour moi, les statistiques, c’est simplement un outil qui doit être maîtrisé afin de répondre le mieux possible aux questionnements qu’on a.
En fait, j’ai passé une demi-licence en psychologie à Lausanne (je viens de Montreux), puis je me suis spécialisée en psychologie du travail à Neuchâtel. C’est une discipline qui me plaît parce qu’elle allie psychologie, sociologie, économie, un peu de droit : or c’est la vision globale qui m’intéresse. Puis j’ai fait un post-grade en statistique. Ensuite, c’est un professeur de maths qui m’a proposé de faire une thèse alliant psychologie et statistiques. Ce qui concrétisait le fait que chez moi, psycho et statistiques ont toujours été de paire !
Votre thèse portait sur ?
« L’utilisation des modèles à effets mixtes avec effets aléatoires croisés pour l’analyse de données de type questionnaire dans le champ de la satisfaction au travail » ! (Rires) Effectivement, en général, les titres de thèse ne veulent rien dire. Disons qu’en tant que psychologue, je m’intéresse à la satisfaction au travail et que je souhaitais proposer d’autres modèles statistiques que ceux qu’on utilise habituellement.
C’est donc plutôt un hasard que j’ai abouti au CHUV. Après mon doctorat, il fallait que je trouve un poste. D’habitude, je faisais du consulting sur des données plutôt sociales, psychologiques. Je reprends d’ailleurs une activité à l’Université de Neuchâtel, sur un fonds national, en tant que post-doc. L’UniNE recherchait un expert méthodologique pour une étude sur la pauvreté et les inégalités. Aujourd’hui, je partage donc vraiment mon temps entre la recherche en sciences humaines et sociales et la consultation statistique pour les médecins.
Retour en arrière… quels ont été les points forts de votre formation à l’UniNE ?
Le point fort de la psychologie du travail à Neuchâtel, c’était le professeur Tschan. Des cours très exigeants, où l’on nous demandait d’être critiques et proactifs. J’y ai appris l’indépendance. J’ai bien aimé aussi le fait d’avoir passablement de crédits libres, qu’on pouvait prendre en psycho ou dans d’autres facultés, à Neuchâtel ou dans une autre université. Avec cela, même si Neuchâtel est une petite université qui n’a pas toute la palette d’offres que d’autres peuvent avoir, il y a une vraie ouverture, qui fait partie de la richesse de cette filière. J’ai par exemple été suivre très facilement des cours de maths, d’informatique et de psycho à Lausanne, tout en étant étudiante à l’UniNE.
Si je pense à mon postgrade en statistiques, j’ai apprécié le fait que, alors qu’auparavant j’étais une simple utilisatrice de statistiques, j’avais tout à coup la possibilité de comprendre les outils, de voir ce qu’il y a derrière. Et j’ai eu des contacts avec des professeurs de grande renommée, d’horizons très différents.
Dans la réalité concrète de votre travail, quelle utilisation faites-vous de ce que vous avez appris à l’université ?
La psychologie, c’est quelque chose que j’applique au quotidien. Pour moi, c’est une façon de réfléchir, d’analyser, cela fait partie de ma façon de fonctionner. Mes études font donc partie d’un « continuum », ce n’est pas une parenthèse un peu abstraite. Quant aux statistiques, elles m’ont permis de donner de l’épaisseur à l’utilisation quotidienne que j’en avais. J’ai par conséquent l’impression d’avoir toujours été dans le concret. J’ai toujours choisi une formation pour compléter un manque que j’avais, une théorie dont j’avais besoin pour faire les choses le mieux possible.
Quel conseil donneriez-vous à un étudiant ou à un futur étudiant ?
Je pense qu’en matière d’études, il faut avoir un regard critique sur ce qu’on fait, pourquoi on le fait et où cela nous amène. J’ai vu des copines arriver au bout de leur cursus, se demander ce qu’elles faisaient dans cette branche et recommencer une nouvelle formation. Il est important de se rendre compte de ce qu’on apprend et de ce qui nous manque, quitte à passer par l’expérience pratique. Les stages, c’est essentiel ! On a souvent des représentations d’un métier et on peut être déçu parce que le métier ne coïncide pas avec ce qu’on aimait d’une formation. C’est important d’aller dans le pratique, le concret. A l’université, on emmagasine des outils, mais on ne sait pas forcément à quoi ils vont nous servir….
*titre équivalent au Master actuel, utilisé avant l’introduction du processus de Bologne.
Interview UniNE 2013