La vie après UniNE
«J'ai toujours été fasciné par les gens, leurs comportements »
Eric Chevalley, psychologue chargé de recherche à la NASA
Eric Chevalley a obtenu un Master en psychologie, orientation psychologie du travail et des organisations, à l’Université de Neuchâtel en 2003, puis le titre de docteur en 2010. Il travaille aujourd’hui pour la NASA, en Californie.
« Senior Research Psychologist at NASA Ames Research Center »… en quoi consiste concrètement votre travail?
Je fais partie de chercheurs qui mènent des études dans le domaine de l'aviation et du contrôle aérien. Ces projets visent à tester la faisabilité de nouvelles technologies utilisées par les pilotes d'avions de ligne ou par les contrôleurs aériens dans des simulations grandeur nature. Mon rôle est de faciliter le design de ces études, ainsi que de superviser la récolte des données et d’analyser les résultats. Je me focalise en particulier sur la communication et le comportement des participants. Nous mesurons comment les personnes prennent leurs décisions, communiquent avec autrui et comment les procédures et technologies améliorent ou détériorent leur performance.
La NASA est un organisme dont le nom peut faire rêver… la réalité est-elle à la mesure du rêve ?
Oui. Les moyens financiers de la NASA sont importants. Les programmes ont en général une importance scientifique, mais aussi souvent utilitaire, tant pour le gouvernement que pour l’industrie ou la population. Je pense en particulier aux satellites qui observent les changements climatiques. Notre groupe, par exemple, développe et teste de nouveaux outils qui permettent aux contrôleurs aériens de gérer un plus grand nombre d’avions et de manière plus efficace. Nos résultats ont une influence sur toutes les parties prenantes du monde de l’aviation.
De la psychologie au monde des contrôleurs aériens, le chemin n’était pas tracé d’avance ! Le psychologue est-il bien pris en compte dans un monde où la technologie est reine ?
De prime abord cela peut paraître surprenant. En réalité, l'aviation est un domaine important dans le monde de la psychologie du travail. C'est un domaine complexe et high-tech où la sécurité est telle qu'il existe des procédures pour pratiquement toutes les activités impliquant une activité humaine. La recherche dans ce domaine a permis de mieux comprendre les forces et faiblesses des pilotes, contrôleurs, mécaniciens, tant du point de vue individuel que relationnel. Grace à la recherche, des mesures de prévention d’erreurs humaines ont été mises en place. Je pense en particuliers aux procédures qui évitent les malentendus dans les cockpits ou entre pilotes et contrôleurs. On le sait, la NASA, c’est aussi l’exploration spatiale, et on s’intéresse donc aux comportements des astronautes, que ce soit pour tenir compte des effets de l’accélération des véhicules spatiaux au décollage ou en menant des études sur la vie en groupe dans des espaces isolés. Ce genre de recherche s’inscrit directement dans la psychologie du travail et a une importance primordiale pour mener à bien les missions.
Travailler dans un univers aussi pointu dans une langue qui n’est pas la vôtre ne vous pose-t-il jamais de problèmes ?
Très rarement. J'ai eu la chance d'apprendre l'anglais et de le pratiquer quotidiennement avant de partir aux Etats-Unis. J'ai aussi choisi de faire ma thèse en anglais, ce qui m'a préparé à rédiger dans cette langue. Quand a l'aspect technique, c’est un nouveau langage à acquérir que l’on soit du pays ou non. Lorsque j'ai commencé, j'ai dû apprendre le jargon de l’aéronautique.
Bachelor à Lausanne, master, thèse et assistanat à Neuchâtel, recherche à Stanford… vous êtes passé par un long parcours académique !
Oui, on peut voir cela comme un long effort. En réalité, c'est encore plus long ! Mon parcours académique est lié à un changement de carrière. J'ai commencé le gymnase du soir à 24 ans. Est-ce que cela en a valu la peine ? La réponse est sans équivoque: oui, absolument, je le referais sans hésitation. Ce que j'ai appris et découvert durant mes études m’a ouvert de nouvelles perspectives et de nouvelles portes professionnelles. Je n’ai pas cherché la rapidité, mais les opportunités. Avoir des buts dans la vie, c’est important, mais la découverte reste le meilleur de tout à mon goût.
Qu’est-ce qui, à l’origine, vous avait fait choisir la voie de la psychologie ?
J'ai toujours été fasciné par les gens, leurs comportements, leur personnalité, leur relations. La psychologie était la voie la plus évidente.
Vous aviez choisi l’UniNE pour son orientation « Psychologie du travail et des organisations ». Quelles sont les points forts de cette filière ?
J'avais déjà une carrière professionnelle dans le commerce lorsque j'ai commencé mes études universitaires. La psychologie du travail et des organisations était la filière qui était la plus proche de mes expériences. L'UniNE offre une orientation unique dans le domaine de la psychologie en Suisse romande. L'institut continue de s'agrandir et d'attirer les meilleurs enseignants nationaux et internationaux. Les chaires ont de solides liens avec les autres universités suisses et internationales, ainsi que les partenaires professionnels. Le programme offert aux étudiants leur permet de s'engager dans le domaine professionnel avec de solides atouts. L’Institut favorise aussi les initiatives personnelles, ce qui permet aux étudiants de mener des projets en lien avec leur stage. Le programme permet aussi aux meilleurs étudiants de commencer une carrière de chercheur dans un institut réputé.
Quels sont selon vous les points forts de l’Université de Neuchâtel ?
Bien sûr, il n'y a pas autant de choix que dans de plus grandes université, mais ceux qui existent sont excellents. De plus, le nombre d'étudiants est gérable pour les enseignants, on peut établir avec eux une relation constructive et productive, dès le début des études. La communauté scientifique suisse a une excellente réputation, ce qui génère de bons étudiants et de bons enseignants… C’est le cas à l’Université de Neuchâtel.
Plongé dans la réalité du travail, que retenez-vous finalement de vos études ?
Travaillant comme chercheur, j'ai gardé bon nombre d'outils acquis durant mes études: principes et paradigmes théoriques, démarche scientifique, analyses statistiques. Les études, c’est aussi le cadre dans lequel nous faisons connaissance avec nos futures collègues et partenaires professionnels. Ces liens perdurent au-delà des études.
Quel conseil auriez-vous à donner à un étudiant ou à un futur étudiant ?
D’abord, choisir la voie qui vous intéresse le plus, indépendamment des perspectives matérielles et d'emploi. Ensuite, avoir une activité en dehors des études, en lien avec ce qui vous motive le plus... Lorsqu'on commence ses études, on ne sait pas toujours où elles vont nous mener. Il est donc très important, à mon avis, de suivre ses propres intérêts. Lorsqu'on fait ce qui nous motive le plus, on produit le meilleur de soi-même, ce qui permet de susciter des relations professionnelles. J’encourage chacun à prendre des initiatives, à faire des stages, pour se faire une idée de la réalité du domaine professionnel envisagé.
Interview UniNE 2013