La vie après l'UniNE
« Il ne faut pas avoir peur de s’investir »
Aurélie Conrad Hari, avocate associée au sein de l’Etude Bär & Karrer SA, à Genève
Après avoir obtenu sa licence en droit en 2003, Aurélie Conrad Hari a mis le cap sur Genève pour passer son brevet d’avocate. Travaillant depuis 2009 chez Bär & Karrer SA, une grande étude d’avocats d’affaires, elle a obtenu le titre d’associée le 1er janvier 2017, rejoignant le rang des rares femmes à avoir ce statut.
Présentez-nous en quelques mots l’étude d’avocats dans laquelle vous travaillez ?
Bär & Karrer SA est une étude d’avocats d’affaires. Fondée en 1969 à Zurich, elle compte actuellement quelque 150 avocats, basés à Zurich, à Genève, à Lugano et à Zoug. Nos activités englobent notamment les fusions et acquisitions, le droit des marchés financiers, la fiscalité ainsi que les contentions judiciaires et l’arbitrage. Parmi notre clientèle, nous comptons des sociétés suisses ou des multinationales actives dans des domaines très variés tels que la finance, l’industrie pharmaceutique, la manufacture de luxe, etc. Côté privé, nous avons affaire à une clientèle fortunée. Nous nous occupons alors de planification patrimoniale et successorale. De manière plus spécifique, notre bureau de Genève est spécialisé dans les contentieux commerciaux et bancaires ainsi que dans la criminalité économique.
Quel est votre travail au quotidien ?
J’ai été engagée il y a sept ans chez Bär & Karrer SA en tant qu’avocate spécialisée dans le contentieux judiciaire en lien avec des litiges nationaux et internationaux ainsi que dans l’arbitrage. Concrètement, j’analyse les dossiers, je négocie avec la partie adverse, je rédige des mémoires, en français et en anglais et je plaide bien sûr. Je représente également des clients en qualité de conseil dans des procédures arbitrales. Depuis que je suis associée, les activités en lien avec la gestion de l’étude, comprenant le management et la recherche de nouveaux clients, se sont rajoutées à mes tâches.
Dans les études d’avocats, les femmes associées ne sont pas légion. Que représente pour vous cette nomination ?
C’est une belle reconnaissance ! Elle a une valeur particulière parce que, d’une part, elle vient de mes pairs pour lesquels j'ai une estime particulière et, d'autre part, confirme les choix que j'ai dû effectuer pour concilier carrière et vie familiale. Si les femmes associées restent rares, notamment dans les grands cabinets d'affaires, la situation évolue progressivement : chez Bär & Karrer SA, par exemple, nous comptons cinq femmes sur quarante associés pour toute la Suisse, ce qui représente 16%. Cela reste peu, mais les mentalités changent. Ma nomination confirme cette lente évolution. J’espère qu’elle encouragera les jeunes femmes à tenter leur chance. C’est un véritable investissement au niveau du travail, mais cela en vaut la peine.
Votre travail actuel correspond-il à vos projets initiaux ?
Quand j’ai commencé mon stage d’avocate à Genève, il y a quinze ans, je voulais travailler dans des organisations internationales, style la Croix-Rouge. Une fois mon brevet en poche, j’ai été engagée chez Lenz & Staehelin. Je me suis prise au jeu et j’ai continué dans cette voie. Par rapport à mes rêves d’humanitaire, je suis aujourd’hui un peu à l’autre extrême. Mais le fond reste le même : j’aime argumenter, me battre pour une cause.
Cela signifie-t-il que le droit était, pour vous, la voie toute tracée ?
Pas du tout ! Je rêvais d’ouvrir un cabinet de psychothérapie. J’ai d’ailleurs commencé par des études en psychologie à Genève. Durant l’année propédeutique, j’ai très vite réalisé que ce n’était pas pour moi : c’était trop théorique. Cela m’a déstabilisée, car il a fallu que je revoie complètement mes projets. J’ai suivi des cours dans d’autres facultés et je me suis finalement tournée vers le droit, parce que c’est une bonne base qui peut mener à la politique, à l’économie ou au journalisme. Très rapidement, je m’y suis sentie à ma place.
Et à la fin de vos études, vous avez passé une année en Angleterre...
J’ai effectivement eu la possibilité d’aller à l’Université de Kent, où j’ai obtenu un diplôme en European Legal Studies. J'ai particulièrement aimé la dimension multiculturelle et internationale de cette expérience. Sur le plan académique, le modèle est totalement différent de ce que l’on connaît en Suisse. L’étudiant est sans cesse sollicité, que ce soit en termes de lecture ou de rédaction, ce qui encourage l’investissement personnel et développe l’esprit critique. Découvrir un nouveau système juridique a également été enrichissant. Cela m’est encore utile aujourd’hui lorsque je suis en contact avec des avocats ou clients provenant de systèmes juridiques différents. Il faut pouvoir comprendre les paradigmes des autres pour pouvoir leur expliquer les nôtres.
Quels sont les points forts de l’Université de Neuchâtel ?
Je garde un très bon souvenir de cette période durant laquelle j’ai pu assimiler une structure de pensée assez particulière dans le domaine juridique. Je citerais d’abord la qualité de l’enseignement liée d’une part au peu d’effectifs dans les classes et, d’autre part, aux professeurs. Il en résulte une belle interaction qui, j’en reste persuadée, a une influence directe sur le raisonnement des étudiants. L’autre point fort, c’est la volonté d’effectuer des ponts entre les matières avec des séminaires thématiques, dans lesquels on travaille sur des cas pratiques et transversaux.
Quel conseil donneriez-vous à un-e futur-e étudiant-e ?
Pour ma part, je suis très sensible aux activités que font les étudiants parallèlement à leurs études. L’engagement personnel, que ce soit au niveau associatif ou professionnel, est important. Cela permet aux étudiants d’avoir une meilleure compréhension de la vie. Quant à l’investissement dans le travail, on sent aujourd’hui chez les jeunes une véritable envie de se protéger. Or je pense qu’il ne faut pas avoir peur, au début, de s’investir et de ne pas se mettre de limite trop vite. Cela permet d’ouvrir des portes, de saisir des opportunités.
Interview UniNE 2017