La vie après UniNE
« Ce qui compte, ce sont les projets qu’on mène parallèlement à nos études »
Milena Boulianne, assistante sociale
Après un Bachelor of Arts en lettres et sciences humaines en 2011, Milena Boulianne est partie à Montréal faire un D.E.S.S.* en administration sociale. Aujourd’hui, elle partage son temps entre son travail d’assistante sociale au Service communal de l’Action sociale de La Chaux-de-Fonds et celui de coordinatrice du projet «J’habite ici, je participe!» de la Fédération neuchâteloise des communautés immigrantes (FéNeci).
Avec vos deux emplois, vous alliez «travail sur le terrain» et recherche. Un choix prémédité ?
Pas vraiment. Je n’avais jamais imaginé un jour être assistante sociale. C’est le travail que j’ai trouvé à mon retour de Madagascar, où j’ai enseigné le français durant une année, dans le cadre de l’ONG DM – échange et mission. J’ai commencé au mois de décembre 2014, à 50%. Un temps partiel qui m’a laissé du temps pour prendre le mandat de la FéNeci, plus en lien avec mes études à Neuchâtel et Montréal.
Quelles sont vos tâches au quotidien ?
Dans le cadre de mon travail d’assistante sociale, je reçois les personnes qui font une demande d’aide sociale et évalue leur situation. L’aide sociale publique inclut non seulement une aide financière, mais aussi administrative (assurances maladie, AI, etc.). Sans oublier l’aide personnelle, notamment l’écoute, l’information, le conseil et, quand c’est nécessaire, la réorientation vers d’autres organismes. La plupart du temps, les gens ont juste besoin de parler et d’être conseillés. C’est très varié et c’est ce qui me plaît. Mon mandat à la FéNeci est différent : je coordonne le projet «J’habite ici, je participe!», qui vise à comprendre pourquoi les étrangers, notamment les détenteurs de permis C, désertent les urnes. Ce dernier est d’ailleurs soutenu en partie par la Confédération. C’est un travail passionnant. On approche les communes, le canton. On travaille également avec de nombreuses associations et communautés migrantes. Il s’agit pour l’heure d’identifier les raisons de cette abstention via un questionnaire.
En quoi votre bachelor et votre D.E.S.S. vous sont-ils utiles?
C’est vraiment la sociologie qui m’a permis d’être engagée au Service de l’Action sociale. Pourtant, il s’agit de travail sur le terrain. On est loin de la sociologie, plus centrée sur l’analyse et la compréhension. Par contre, ça me donne la possibilité aujourd’hui de prendre un peu de recul dans les situations que je vis au quotidien. J’arrive à comprendre le système dans sa globalité. Je dirais que mes études à Neuchâtel et Montréal me servent davantage pour mon mandat à la FéNeci, que ce soit dans l’analyse du questionnaire ou dans la gestion et la coordination dudit projet.
Pour votre bachelor, vous aviez choisi notamment la sociologie et la géographie humaine. Pour vous, c’était une voie toute tracée ?
A la fin de mon lycée, j’ai hésité à poursuivre mes études. Après une année sabbatique, durant laquelle j’ai travaillé en tant que serveuse dans différents établissements et suis ensuite partie en Nouvelle-Zélande pour apprendre l’anglais et voyager, j’ai commencé l’Université en choisissant la sociologie et la géographie humaine, sans vraiment savoir vers quoi j’allais. Cela a été une grande découverte ! J’ai tout particulièrement aimé les cours sur la migration. Et pour cause: Neuchâtel est, avec le SFM (Swiss Forum for migration and population studies), un pôle d’excellence dans ce domaine au niveau national et international. Etant moi-même issue de l’immigration – mon père est québécois et ma mère tchèque –, je me suis pour la première fois sentie «militante» face à des injustices. Quant à la sociologie à proprement parler, elle m’a permis de comprendre la société, le rôle des institutions, l’importance des idées, les classes sociales… Bref, de penser le monde.
Pourquoi avoir choisi Montréal pour terminer vos études ?
J’ai hésité à passer un Master en migration à Neuchâtel. Mais l’envie de découvrir mes racines, de «mériter» un peu plus mon passeport québécois a pris le dessus. C’est sur place que j’ai choisi de faire un D.E.S.S. en administration sociale à l’Université de Montréal, l’équivalent d’un master en Suisse. Le programme m’a tout de suite plu: on touche à l’évaluation des programmes, à la gestion de projets, aux ressources humaines, etc. C’est beaucoup plus concret que le Bachelor en sociologie. Il s’adresse d’ailleurs à des personnes qui ont déjà une expérience professionnelle. J’ai pu intégrer les cours grâce à l’emploi que j’ai occupé au Services des sports de l’UniNE, lors de mes études, ainsi qu’à mon engagement dans différentes associations d’étudiants. Si j’avais moins d’expérience que celles et ceux qui travaillaient, j’étais parfaitement au point pour tout ce qui concernait les recherches et la rédaction de dossiers. Je ne me suis jamais sentie décalée par rapport aux autres étudiants.
Après avoir étudié à Montréal, quel regard portez-vous sur l’Université de Neuchâtel ?
Au niveau du pôle d’expertise dans le travail social, le Québec est plus avancé. Mais je ne dirais pas que l’Université de Montréal est meilleure que celle de Neuchâtel. Nous avons des professeurs très compétents, notamment en sociologie ou en migration, qui m’ont passionnée et marquée. Je pense notamment à François Hainard et à son cours sur les changements sociaux, à Etienne Piguet, en géographie humaine, pour tout ce qui concerne le domaine des migrations… Des gens passionnés, toujours très disponibles pour répondre à nos questions.
Ce qui change fondamentalement, c’est la taille et l’esprit, plus américain. Il y a tout l’aspect marketing lié à l’Université qui est assez amusant. On trouve des mugs, des casquettes à l’effigie de l’Université de Montréal… Les cours sont aussi plus participatifs: on se bat presque pour parler. Au début, j’étais très impressionnée. J’ai appris par la suite à lever la main, à m’affirmer. C’est d’autant plus important que la participation aux cours compte dans la note finale. Et de manière générale, il y a l’investissement des étudiants au niveau citoyen. J’ai démarré mes études au terme du Printemps érable en 2012. De voir tous ces étudiants se fédérer pour protester contre la hausse des frais d’études, c’était magnifique! Tous les soirs, dans les rues, il y avait des concerts de casseroles, d’immenses cortèges… Les étudiants sont tous très mobilisés et engagés. Contrairement à ici, ils suivent l’actualité politique de leur pays. C’est dynamisant!
Quels sont les atouts de l’Université de Neuchâtel?
Je dirais d’abord le cadre. La Faculté des lettres est posée au bord du lac. Pouvoir travailler là, c’est génial. Sa taille humaine ensuite. On a vraiment l’impression d’exister en tant qu’étudiant, d’avoir sa place, sa valeur. Et puis, l’accessibilité des professeurs qui n’hésitent pas à se mêler aux étudiants lors des pauses, à nous conseiller et à nous soutenir lorsqu’on a des questions ou des doutes sur la suite de notre cursus. Sans oublier toutes les possibilités qu’offre l’Université de Neuchâtel. Pendant mon bachelor, par exemple, j’ai travaillé en tant qu’assistante-étudiante au secrétariat du Service des sports de l’UniNE. Pouvoir travailler à l’Université tout en faisant ses études permet de participer encore plus à la vie universitaire. J’ai également fait partie de l’association d’étudiantes Hétaïra, représenté les étudiants au Conseil de Faculté ainsi qu’au Conseil de l’Université… Découvrir comment fonctionne l’Université, qui est finalement une entreprise à but non lucratif, c’est passionnant.
Quels conseils donneriez-vous à un étudiant ou futur étudiant?
D’une manière générale, je lui conseillerais de participer pleinement à la vie d’étudiant, via les différentes associations. C’est l’occasion de faire des rencontres, de développer son réseau. L’expérience associative permet en outre de se différencier des autres, de montrer son engagement. Ce qui compte, ce ne sont pas les notes, mais d’avoir un diplôme, et les projets qu’on a menés parallèlement à nos études. Enfin, il faut choisir des branches qui nous intéressent et, surtout, ne pas hésiter de changer en cours de route. Le bachelor sert à ça : à s’orienter, à trouver sa voie.
* D.E.S.S. : Diplôme d’étude supérieure spécialisée, même niveau qu’un master en Suisse.
Interview UniNE 2015