La vie après UniNE
« En informatique, c’est l’expérience personnelle qui compte »
Julien Pourtet, chargé de projet en Californie
Julien Pourtet a obtenu un Master ès sciences en informatique à l’Université de Neuchâtel en 2011. Il travaille actuellement en Californie, à Sunnyvale, dans la « Silicon Valley », auprès de Chelsio Communications, une société spécialisée dans les cartes réseau.
Comment se retrouve-t-on dans une société informatique de la Silicon Valley immédiatement après avoir décroché son master à Neuchâtel ?
Lors de ma dernière année de master, j’ai demandé à pouvoir me rendre à l’étranger pour faire mon travail de master. Les étudiants partent en général plutôt en bachelor. Mais j’ai eu la chance que mon directeur de mémoire, Jacques Savoy, accepte sans problème. J’avais le choix entre deux options : Chypre et le Canada, lequel l’a emporté. J’étais donc déjà sur le continent américain. J’ai eu la chance parallèlement de pouvoir travailler chez Ubisoft, les jeux vidéo, à Montréal. Comme je vivais là l’hiver le plus froid de ma vie, j’ai demandé à un ami qui travaillait en Californie si je pouvais venir passer une semaine chez lui pour me réchauffer un peu ! Sachant que je m’apprêtais à chercher un job, il a pris un rendez-vous pour moi dans la boîte où il travaillait. C’était Chelsio. J’y suis allé, ça s’est très bien passé et… j’ai signé !
Cette facilité, cette souplesse, sont-elles spécifiques à la nouvelle économie ?
Disons que quand on fait médecine ou droit, on est tout de même assez lié au pays où l’on étudie. Alors que l’informatique est un métier où l’expérience personnelle compte beaucoup.
Qu’est-ce que « Chelsio Communications » et en quoi consiste votre travail ?
C’est une start-up qui a presque treize ans et, chose rare, a réussi à rester indépendante. On produit des cartes réseau à très haute vitesse, qu’on vend à de grosses entreprises qui fournissent les services du cloud. On fabrique le matériel et le logiciel pour connecter celui-ci au système d’exploitation.
Mais on ne s’occupe pas que du cloud. Etant un « junior », je m’occupe de programmation. De manière générale, aux jeunes qui sortent de l’université, on donne par exemple des bugs à réparer. En ce qui me concerne, ils ont dû considérer que j’étais assez qualifié et m’ont confié un nouveau projet, que je gère complètement. Un projet concernant le trading à haute fréquence. Un travail passionnant, même si c’est un secteur qui m’horripile, puisqu’il s’agit d’aider des gens à détruire la planète le plus rapidement possible ! Pendant une année, je me suis occupé de la faisabilité de ce projet, et maintenant je suis en charge de le développer et de présenter les résultats à la compagnie.
Bachelor à Lausanne, master à Neuchâtel, passage par Montréal… Dans ce type de formation, il est essentiel de bouger ?
Je suis Français, j’ai commencé mes études à Bordeaux, dans un tout autre secteur : l’anglais. Je suis alors venu en Suisse, où il fallait suivre deux matières principales et une secondaire. A l’anglais, j’ai alors ajouté la linguistique et les statistiques. Mais à la fin de mon bachelor, à Lausanne, j’ai réalisé que ce qui m’intéressait vraiment, c’était l’informatique - j’ai toujours fait un peu de programmation. J’ai alors tenté ma chance en demandant à suivre un master en informatique à Neuchâtel. Le fait d’avoir travaillé dans une société d’informatique, parallèlement à mes études à Lausanne, a sans doute facilité mon entrée à l’UniNE. Cela rejoint ce que je disais avant : dans ce secteur, l’expérience personnelle compte beaucoup.
Quels ont été selon vous les points forts de votre formation à l’UniNE ?
La disponibilité des gens, grâce au fait qu’il ne s’agit pas d’une grosse université. C’est vraiment un point fort, car en général, la communication entre professeurs et étudiants n’est pas évidente. Personnellement, je regarde toujours le côté humain des choses et en l’occurrence, je trouve que c’est une université vraiment humaine, même en informatique ! Concernant les cours, cela manquait un peu d’imagination. C’est le cas partout d’ailleurs, même à l’EPFL, d’après les amis que j’y ai. L’informatique, cela devrait être fun ! Or dans le cadre des études, c’est toujours assez théorique.
Dans la réalité concrète de votre travail en Californie, quelle utilisation faites-vous de ce que vous avez appris à l’université ?
Une utilisation quotidienne ! Je me dis même parfois que si j’avais mieux suivi les cours, cela m’aiderait ! Ce qui signifie que la matière sur laquelle je travaille ici était traitée en cours, mais qu’à l’époque, cela ne m’intéressait pas vraiment ou alors que j’avais mis la priorité sur un autre cours. En fait, l’université est bel et bien liée à la réalité, même si on a l’impression parfois que les profs sont un peu déconnectés. Ce qui est d’ailleurs moins le cas avec les plus jeunes, qui souvent viennent de l’industrie et sont davantage en prise avec le réel.
Quel conseil donneriez-vous à un futur étudiant ?
On ne fait pas les mêmes choses en informatique en Europe ou dans la Silicon Valley. En Europe, beaucoup de gens deviennent développeurs web. Ma crainte – et c’est donc aussi un conseil, pour les élèves et pour les professeurs – c’est que l’on se focalise trop sur le web, en Suisse comme en Europe, avec pour conséquence un marché complètement saturé.
Je trouve dommage de voir des gens qui ont fait de hautes études passer leur vie à développer du web. C’est donc important d’aller voir ailleurs. Et notamment parce que les cours qui sont donnés, par exemple à Neuchâtel en programmation concurrente, sont complexes. Ces cours leur serviront s’ils viennent dans la Silicon Valley, puisqu’on y travaille sur du matériel. Alors que souvent en Europe, les débouchés possibles n’impliquent pas la nécessité absolue d’être passé par l’université.
Interview UniNE 2013