La vie après UniNE

« Les maths servent à comprendre le monde! »

Gregory Roth, mathématicien à Sacramento

Gregory Roth a obtenu un Master en mathématiques, axé sur les probabilités, à l’Université de Neuchâtel en 2007, puis le titre de docteur en 2011. Il est actuellement chercheur post-doctorant à Davis, University of California, près de Sacramento.

De Neuchâtel à Sacramento, que s’est-il passé pour vous ?

A la fin de mon master, j’ai hésité entre partir à Paris pour y faire un Master en maths financières, dans l’optique de pouvoir travailler ensuite dans le privé, ou faire un doctorat. Je me suis finalement lancé dans le doctorat et j’ai eu l’opportunité de trouver un poste d’assistant à l’Université de Neuchâtel. J’y ai travaillé pendant quatre ans. Puis j’ai obtenu une bourse du Fonds national suisse, qui m’a permis de partir à Davis.

Le privé ou la recherche, c’était deux options assez différentes… Qu’est-ce qui vous a fait choisir l’un plutôt que l’autre ?

A vrai dire, c’est une réflexion qui est toujours là. A l’époque où j’ai opté pour le doctorat, c’était dû à l’envie d’aller plus loin dans mes études avant de prendre une vraie décision.

Vous êtes « probabiliste ». Quelques précisions peut-être ?

Je suis un spécialiste des probabilités, un domaine assez récent des mathématiques, puisqu’il a été formalisé au début du 20ème siècle. Les mathématiques peuvent être vues comme un outil commun à toutes les sciences, outil qui sert à modéliser des phénomènes qu’on peut observer dans d’autres sciences. Lorsque l’on veut modéliser un phénomène naturel, on ne peut jamais le saisir dans sa totalité, parce qu’on n’en a pas toutes les données. On introduit donc ce qu’on appelle l’aléatoire. Les probabilités sont la théorie de cet aléatoire, l’étude des lois que respecte cet aléatoire.

Et concrètement, sur quoi portent vos recherches à Davis ?

Je travaille au sein du département d’écologie et d’évolution. Aux travers de l'étude de modèles, les mathématiques améliorent et facilitent la compréhension de nombreux systèmes biologiques. Ces dernières années, j’ai essentiellement travaillé sur l'étude de modèles aléatoires de dynamiques de populations. Je recherche des critères mathématiques qui assurent la persistance de différentes espèces au sein d'un écosystème. L'analyse de ces critères, nous permet de vérifier et de raffiner des hypothèses, faites par les biologistes, sur le comportement de ces écosystèmes. En particulier, cette analyse permet de comprendre la réaction des espèces aux variations de leur environnement, par exemple les variations de la température, de la lumière, des précipitations.

Qu’est-ce qui, à l’origine, vous avait fait choisir la voie des mathématiques ?

J’ai toujours aimé les maths à l’école et j’y ai toujours eu de la facilité. J’aimais bien le fait que cela soit une branche rigoureuse : si on applique un raisonnement logique, on aboutit à un résultat dont on est sûr. Il n’y a pas d’exception, pas de flou. Il y a aussi le fait qu’au niveau secondaire comme au lycée, j’ai toujours eu de très bons professeurs, qui m’ont vraiment motivé.

Quels ont été les points importants de vos études à l’UniNE ?

Le fait qu’à l’Institut de maths, on évolue dans un petit groupe. On y est proches aussi bien des autres étudiants que des assistants et des professeurs. On se sent vite en confiance. Le système d’enseignement me convenait également : les maths, ce sont des cours, suivis de beaucoup d’exercices. On a passablement de temps pour travailler par soi-même et on a toujours l’appui des assistants, et même des professeurs, qu’on peut aller voir régulièrement, que ce soit à propos de questions mathématiques ou de parcours académique. Il y a une vraie écoute. Et puis, au-delà des études, Neuchâtel est une ville qui bouge, qui a une âme, avec une vie sociale et culturelle active.

Université de Neuchâtel, University of California… comment vivez-vous ce changement ?

Le fait de partir aux USA après tant d’années à Neuchâtel – j’y suis né – m’a fait beaucoup de bien, mais m’a aussi permis de voir les avantages de Neuchâtel. Même si je suis à Davis en tant que chercheur et non en tant qu’étudiant, je vois à quel point ceux-ci y sont des numéros. Mes collègues assistants ne connaissent pas les noms de leurs étudiants, ce qui est normal au vu de la taille des lieux !

Dans le cadre de l’université, on peut avoir parfois le sentiment de ne pas être toujours en prise avec le réel. Est-ce votre cas ?

Pendant mes études cela ne m’a pas gêné, parce que j’étais passionné par ce que je faisais et qu’en plus, on a le temps de se consacrer à d’autres activités. Depuis que je suis dans la recherche, c’est un peu différent et il est vrai que la réflexion sur le fait d’aller dans le privé est toujours présente. Ici, à Davis, l’enseignement - que je pratiquais en tant qu’assistant à Neuchâtel - me manque un peu, à cause des contacts humains qu’il permet.

Sur votre blog figure une citation de Kerouac: One day I will find the right words, and they will be simple.” La quête de la simplicité, cela peut paraître paradoxal chez un mathématicien!

Je ne crois pas… la quête de tout chercheur est de comprendre le monde qui nous entoure et ensuite d’exprimer ce qu’il a compris. Si possible de la façon la plus claire, précise et limpide possible. Les maths servent à comprendre le monde !

Quel conseil auriez-vous à donner à un étudiant ou à un futur étudiant ?

Aux futurs étudiants, je dirais de bien réfléchir à ce qu’ils veulent faire. Des maths, oui, mais pourquoi ? Par curiosité ? Pour suivre un plan de carrière ? Surtout ne pas faire d’études « par défaut », juste parce qu’après le lycée, il faut faire des études. En tant qu’assistant, j’ai vu pas mal d’étudiants dans ce cas-là. Il est donc important de bien s’informer.

A ceux qui sont en cours d’études à Neuchâtel, je dirais de profiter de cette proximité du corps enseignant. Cela peut leur être utile par la suite, permettre de créer un réseau avec les gens de l’université.

Et puis, un constat : en ce qui me concerne, j’ai fait toutes mes études à Neuchâtel et c’est ensuite seulement que je suis parti à l’étranger. Je conseillerais de partir plus tôt, pendant les études. Erasmus est fait pour cela ! Le fait d’aller passer un semestre ailleurs peut apporter beaucoup dans un cursus bachelor-master !

 

Interview UniNE 2013

Pour en savoir plus

Le blog de Gregory Roth