Biographie d'Isabelle de Charrière
Isabelle de Charrière, plus connue aux Pays-Bas sous son nom de jeune fille, Belle van Zuylen, naît près d'Utrecht, en Hollande, le 20 octobre 1740. Issue d'une ancienne famille aristocratique, elle se distingue très jeune par son esprit d'indépendance, sa curiosité intellectuelle et son talent pour les lettres. A l'âge de vingt-deux ans, elle publie de façon anonyme un conte satirique sur la noblesse hollandaise, Le Noble, qui fait scandale. A la même époque, elle entretient une correspondance secrète avec un homme de dix-sept ans son aîné, Constant d'Hermenches, un colonel suisse en garnison à Utrecht. Cette correspondance est à la fois un lieu d'épanouissement intellectuel pour une jeune femme en mal d'interlocuteurs à même de comprendre ses aspirations et une sorte de journal à quatre mains où les détails du quotidien se mêlent à la complexité de deux riches personnalités.
Après plusieurs projets de mariage qui échouent les uns après les autres, Belle épouse en 1771 Charles-Emmanuel de Charrière, un gentilhomme vaudois établi à Colombier, dans la principauté de Neuchâtel, en Suisse. Mésalliance aux yeux de beaucoup, puisque son époux est l'ancien précepteur de ses frères, c'est à ce prix pourtant qu'elle conquiert la liberté dont elle a tant soif.
A partir de 1784 commence une période d'intense activité littéraire, qui ne s'arrêtera que peu de temps avant sa mort. Elle écrit coup sur coup deux romans, les Lettres neuchâteloises et les Lettres de Mistriss Henley, qui seront bientôt suivis des Lettres écrites de Lausanne et de Caliste. En 1787, lors d'un séjour à Paris, elle rencontre Benjamin Constant, neveu de son ancien ami Constant d'Hermenches. Entre ce jeune homme de vingt ans précoce et turbulent et la femme mûre qu'est devenue Isabelle, l'amitié est immédiate. Ils entretiendront pendant quelques années une relation intense, nourrie d'échanges intellectuels, littéraires et politiques, jusqu'à ce qu'en 1794 Mme de Staël, jeune femme brillante et d'un an plus âgée que Benjamin, supplante Isabelle. Toute relation ne sera pas rompue entre eux, mais leur amitié se ressentira des rapports difficiles entre les deux femmes. Appartenant à une autre génération, Isabelle de Charrière ne partage pas tout à fait les idéaux de ces jeunes gens qui marqueront de leur empreinte le XIXe siècle naissant.
La réflexion politique occupe beaucoup les esprits dans les années qui suivent la Révolution française et l'oeuvre d'Isabelle de Charrière en porte la trace. Lettres d'un évêque français à la nation, Lettres trouvées dans des porte-feuilles d'émigrés, Trois femmes : nombreux sont les romans, pièces de théâtre et pamphlets qui se font l'écho des événements qui agitent la France. Les mêmes préoccupations se retrouvent dans les lettres qu'elle échange avec ses correspondants : Benjamin Constant, mais aussi les frères Malarmey de Roussillon, Jean-Pierre de Chambrier d'Oleyres ou encore Pierre-Alexandre Du Peyrou.
Epistolière prolixe, Isabelle de Charrière a aussi été un mentor ambitieux et affectueux pour des jeunes filles de son entourage à qui elle enseignait l'anglais, conseillait des lectures ou qu'elle initiait à l'écriture de romans. Passionnée de musique, elle s'est également essayée à la composition. Il nous reste d'elle des romances, des menuets, des sonates ainsi que des livrets d'opéra.
Isabelle de Charrière est morte le 27 décembre 1805, dans sa demeure du Pontet à Colombier.